Après le Contrat Nouvelle Embauche (CNE), le gouvernement propose maintenant le Contrat Première Embauche CPE). Je propose pour ma part le Contrat Libre Embauche, véritable CLE pour l’emploi.
Le gouvernement est dans la bonne voie lorsqu’il réalise enfin que le chômage est dû, parmi d’autres, à deux raisons majeures : le coût prohibitif de la main d’œuvre dû aux charges sociales, l’impossibilité de licencier quand l’activité de l’entreprise et parfois même sa survie l’exigent. Nos gouvernements ont aussi compris que ces anomalies frappent par priorité les jeunes et tous ceux qui ont une moindre qualification. Je suppose d’ailleurs qu’ils s’en doutaient depuis bien longtemps, mais n’osaient s’en émouvoir, de peur de déplaire aux syndicats accrochés à ces fameux « acquis sociaux » qui ruinent l’emploi et le pays.
C’est sans doute cette peur qui les dissuade d’aller aujourd’hui jusqu’au bout de la logique de leur analyse, puisque le CNE et le CPE sont réservés à des catégories de chômeurs bien ciblés : jeunes à la recherche d’un premier ou nouvel emploi dans une PME. Pourquoi pas tous les chômeurs, pour toutes les entreprises ? En allant plus loin, on serait conduit à mon « contrat libre embauche ». Dans un tel contrat, nulle contrainte légale ni de durée ni de niveau de salaire. Serait-ce un drame social ? Les syndicats seraient-ils justifiés à rejeter cette liberté nouvelle ?
Le niveau de salaire est déterminé en France par des planchers qui s’appellent charges sociales et SMIC. Pour les charges sociales, sur lesquelles je me suis déjà exprimé, il n’y aura de solution véritable que du jour où l’on aura complètement refondu le système de protection sociale, où la santé, la retraite, la perte d’emploi seront couvertes par des mécanismes classiques et éprouvées d’assurance volontaire, concurrentielle au lieu d’être confiées à un dinausore appelé Sécurité Sociale, un monopole public qui n’est qu’un tiroir caisse et pas un assureur – la preuve en est qu’il n’assure plus rien aujourd’hui, au grand dam des « assujettis ». Comme cette véritable révolution prendra politiquement et techniquement du temps à s’imposer, il reste au moins à éliminer les méfaits du SMIC. En éliminer les méfaits, ce n’est pas le supprimer radicalement, encore que Margaret THATCHER l’ait fait avec succès. Mais, après tout, si Tony BLAIR a rétabli le SMIC, et s’il existe un SMIC aux Etats-Unis, le dommage n’est pas grand parce que ces SMIC-là sont à un niveau très inférieur à celui du salaire moyen, et cet écart est maintenu durablement (pas de « rattrapage »). En France c’est l’inverse : écart très faible et croissance plus rapide. Lorsqu’il y a une quinzaine d’années Gary BECKER a analysé l’Eurochômage ("Réglementation et chômage en Europe", et En finir avec le chômage, n° spécial de la Revue des Etudes Humaines, 1996), il a vu l’erreur des Européens : au prétexte de leur « modèle social », nous subventionnons les bas salaires, le travail peu ou pas qualifié. Les effets pervers sont inéluctables : d’une part les employeurs ont intérêt à embaucher des gens plus qualifiés puisque leur salaire est comparativement plus faible, d’autre part les salariés ne voient pas l’utilité d’acquérir une meilleure qualification, car la différence de revenus est infime, et étant moins qualifiés ils se trouvent sur un marché du travail plus vulnérable, exposés à la concurrence des travailleurs du reste du monde. Le SMIC tel que nous le pratiquons en France dissuade l’embauche des moins qualifiés, et notamment les jeunes qui débutent.
Quant à la durée du contrat, elle doit avoir la souplesse que requiert l’activité des entreprises soumises inexorablement à une concurrence permanente et mondiale. Une entreprise ne peut prendre le risque de conserver tout son personnel quand il y a moins de clients. A l’inverse, elle doit pouvoir faire appel à un personnel nouveau quand le marché est porteur. Il est prouvé que la plupart des entrepreneurs ne s’ajustent sur le personnel qu’en tout dernier recours, ils commencent par réduire le taux d’utilisation de leurs équipements. Mais il est des conjonctures où cela ne suffit pas, et pour conserver la plupart des emplois il faut en sacrifier certains ; c’est toujours un sacrifice coûteux non seulement du point de vue humain mais aussi en termes financiers, parce que l’entreprise a engagé des coûts d’embauche et de formation sur le personnel dont elle se sépare.
Le drame social qui menace, c’est alors celui de la « précarité ». Mais il n’y a précarité, et la perte de l’emploi ne devient un drame, que si l’on est en situation de chômage généralisé et que l’on a aucune qualification. En revanche, quand on est en plein emploi et que l’on a fait l’effort de se qualifier, la précarité porte un nouveau nom, c’est la mobilité. Elle aussi n’est pas sans coût, humain et financier, parce que le changement requiert toujours un sacrifice. Mais elle peut être un avantage. Psychologiquement elle libère les gens, et notamment les jeunes, du stress de l’emploi. Occuper plusieurs postes en quelques années n’est plus un drame, c’est une occasion d’acquérir expérience et références et de mieux trouver sa voie. Financièrement, elle évite le risque d’une baisse temporaire des revenus, et elle est bien préférable à des assurances-chômage qui dissuadent les gens de prendre un emploi au plus tôt et les rendent progressivement inaptes à un nouvel emploi.
Voilà les directions dans lesquelles il faudra bien tôt ou tard s’engager. Pour l’essentiel on marche en sens inverse, et les 35 heures cumulent les inconvénients d’un salaire prohibitif et de la rigidité de l’emploi. Il faudra aussi ne pas négliger les autres causes lourdes du chômage : les pénalités fiscales et sociales infligées à ceux qui réussissent (de sorte qu’ils vont réussir ailleurs qu’en France), la multiplication des faux emplois à partir de subventions et de faux prix (la recherche des privilèges et des rentes est plus payante que le service rendu à la communauté).
L’économie de marché repose sur la conclusion de libres contrats. Aujourd’hui en France le « droit social » - ou dit tel – a effacé le droit des contrats. Loin d’aboutir à un progrès social, c’est une formidable régression que nous vivons : un chômage massif, une jeunesse sans espoir, la perte du sens de l’initiative, de la promotion et de la responsabilité personnelles, le règne de la tricherie et des privilèges. Il nous faut instaurer le Contrat de Libre Embauche, clé pour l’emploi et la dignité.
Jacques Garello
http://www.libres.org